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The Pan African Music Magazine
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Bushali, entre ombres et lumières
© Michiel Robberecht

Bushali, entre ombres et lumières

Arpenter l’histoire de la trap au Rwanda, c’est marcher dans le sillage de Bushali, guerrier originel du mouvement. Un groove épais, acquis sur les bancs de la chorale de son église, des prods atlantistes pour flow un XXL… Des freestyles de rues aux stades, Bushali continue de grossir le flow de l'illustre kinyatrap.

La trap fête son quart de siècle. Né à Memphis, élevé à Atlanta, le genre a aujourd’hui phagocyté tous les codes du rap mondial. Autant enviée que stigmatisée, la trap innerve désormais toute la pop mondiale. Agile, cette musique est néanmoins liée à une géographie serrée, tout à fait spécifique : il est ici affaire de terrains et de maisons de deal (les fameux bandos et trap houses), de cellules de prisons, de planques. Paradoxalement chaînée à un territoire ainsi qu’un ensemble de lieux extrêmement déterminés, son cadre créatif et esthétique est lui, étonnamment souple. Presque plastique. C’est ce qui explique son incroyable capacité d’export à l’international. On croise désormais et depuis longtemps d’ailleurs des trappistes en France, au Japon ou en Italie. Le genre se décline en arabe, en chinois, en allemand.

Largement déployée sur le continent, la trap a rebondit avec audace sur les pentes et collines de Kigali, au Rwanda. Producteurs, trapstars locales, new comers… Au cœur de cette jeune nébuleuse, Jean-Paul Bushali Hagenimana fait office de taulier originel. Son parcours suit le même sillage que celui de l’émergence de la kinyatrap, la sémillante scène trappiste rwandaise, dont FULLMOON, son tout récent quatrième album est un pur produit. 

Armé de poumons solidement noircis au service d’un coffre vocal massif, Bushali est un maître absolu du placement. L’influence de la drill de Chicago est par ailleurs extrêmement prégnante dans la kinyatrap de Bushido – ou de son frère d’armes B-Threy  – : pas de doutes, les garçons ont poncés Lil Durk ou G Herbo. Ses mélodies épaisses et chaudes oscillent sans prévenir avec des incartades sombres, anxiogènes, servis par un groove massif. 

Et pourtant : « franchement, qui aurait pu imaginer à nos débuts qu’on allait être à l’origine d’un véritable mouvement » confie Bushali. Tranquillement installé dans le jardin de l’Indiba Art Center de Kigali à l’occasion de cet entretien, le trapper rwandais poursuit : « ce qui a commencé comme de simples sessions d’enregistrements entre une bande de jeunes ambitieux a finalement pris une ampleur folle. On est alors parvenu à diffuser notre style à travers presque tout le pays. C’était le début de la kinyatrap, et de l’ère Bushido. »

L’ère du Bushido

Originaire du quartier populaire de Gikondo à Kigali, Bushali découvre la musique au sein de la chorale junior de l’église pentecôtiste locale. Côté rap, l’épiphanie aura lieu sur les beats du légendaire pionnier Bulldog : « je me souviens parfaitement la première fois que j’ai écouté Bulldog » sourit le rapper. « C’était une véritable révélation. J’ai su à cet instant que je voulais rapper. »

Bush s’enregistre très tôt, et fait ses premières armes aux côtés du collectif hip-hop Black Devils : « à l’époque, le hip-hop gagnait rapidement du terrain. Tous les kids voulaient rapper » raconte l’artiste. « C’est comme ça qu’est né Black Devils. On allait de studio en studio pour enregistrer, mais on a fini par se séparer au bout de quelques mois. » En dépit de cette déception, Bushali ne se décourage pas et persévère. En 2016, il croise la route du rappeur B-Threy, l’autre énorme sensation de la kinyatrap, ainsi que celle du producteur Dr. Nganji. L’architecte sonore du mouvement est à la tête du label Green Ferry Music : « avec Green Ferry, on ne faisait pas juste de la musique, on construisait une vraie famille. »

© Michiel Robberecht

L’année suivante, le trappiste rwandais pose sur « Zombi », all-stars hit qui réunit les principaux artistes affiliés du studio. Sous la houlette de Dr. Nganji – le Zaytoven de Kigali –, Bushali s’y distingue largement, et se pave un chemin de choix pour l’arrivée de son premier album : sorti en 2018, Nyiramubande épingle la trap de Kigali sur la carte mondiale. « Tabati », le second morceau de l’album, que l’on pourrait traduire par « marcher » ou « se débrouiller » va directement passer dans le vocabulaire de la rue : « Tabati, c’est plus qu’un titre. C’est un morceau qui a permis de capter l’énergie d’une certaine jeunesse, par la langue. »

En 2019, le hit « Abiri nitanu » (250) produit par Dizo Last avec Slum Drip, B-Threy et Bushali va également entrer dans le langage courant : « entre textes, nouvelles sonorités trap alliées à nos influences traditionnelles, nos morceaux étaient parvenus à résonner avec la nouvelle génération de rwandaises et de rwandais. C’était inédit ici. » analyse Bushali.

La kinaytrap, entre ombres et lumières

Déjà sur les lèvres de beaucoup, c’est son taulier originel qui va officiellement nommer le mouvement : la kinyatrap se retrouve désormais inscrite au patrimoine musical rwandais en ouverture de « Ku gasima », le second album de Bushali : « au moment de la sortie de « Ku Gasima », la kinyatrap était absolument partout » se souvient Bushido. « De la rue aux clubs de Kigali, le mouvement se développait plus vite qu’on aurait pu l’imaginer. Façon de parler, mode, lifestyle, au-delà de la musique, la kinyatrap permet des formes d’expressions hyper personnelles pour une jeunesse qui se cherche une place dans le monde. »

Après avoir atteint un premier sommet, le binôme historique formé par Bushali et B-Threy se sépare : le second va alors rejoindre Join Climax, le groupe du producteur Dizo Last. Une épreuve initiale ponctuée par une seconde, de taille, lorsque Bushali se fait coffrer pour consommation de drogues, aux côtés du rappeur Slum Drip. L’événement va faire polémique au Rwanda, mais va également révéler de façon toute personnelle, la détermination de Bushali : « ça n’a pas été facile » admet-il. « J’ai passé beaucoup de temps à me recentrer sur moi-même. J’en ai aussi tiré de l’inspiration, je suis revenu avec de nouvelles idées. Cette expérience m’a appris à faire preuve de patience. Quand l’histoire a été révélée aux grands jours, les gens m’ont beaucoup soutenu. J’ai compris que peu importe les épreuves, ma musique parlerait toujours au public. »

Son retour en live – juste à temps pour le roadshow Iwacu Muzika, un des plus gros concerts au Rwanda –, marque une nouvelle apogée. Bushali partage alors dans la foulée la scène avec l’immense artiste rwandais The Ben. Ensemble, le duo va d’ailleurs collaborer sur le très intense « Muruturuturu », un des gros hits de !B!HE B!7, son troisième album.

© Michiel Robberecht

« FullMoon est mon offrande au monde »

« Ce sont les talents d’Afrique qui doivent désormais raconter nos histoires » affirme Bushali. « Je veux que le monde sache qu’on ne fait pas juste de la musique, mais qu’on écrit les fondations de notre histoire et de nos identités avec ce son. »

Inspiré par ses fils Moon et Son, FULLMOON, le quatrième opus de Bushido fait figurer au casting le producteur ghanéen Stallion, la star kenyane Khaligraph Jones ainsi que le sémillant Kivumbi King. B-Threy et Slum Drip sont eux aussi évidemment de la party.

« Full Moon est mon offrande au monde » confie le rapper. « Il s’agit d’un témoignage sur la façon dont on passe de freestyles dans les rues de Kigali, aux concerts dans des stades bondés » explique Bushali. « Mon histoire est au-delà de la musique que je produis. C’est à propos de la culture que j’ai contribué à créer, et le futur que je continue à développer avec ce son. Ce n’est que le commencement. Vous n’avez encore rien vu. »

Écouter FULLMOON le dernier album de Bushali.

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